REVIEWS




Le Prêche (live report du 28/01/2012)


Prön Flåvürdik s'installe, presque des légendes rouennaises ceux là, présentés par beaucoup comme un gros truc fou, énorme, et pas que dans notre ville ne jurant que par les groupes du coin (et au final toues les villes françaises sont comme ça j'ai l'impression, c'est vraiment con un frouz). Pour moi, Prön Flåvürdik, c'était le groupe qui me faisait flipper à 17 ans, marrer à 20 ans et qui me fascine maintenant: je m'explique, clairement leur musique n'est pas "accessible", terme dépendant de certains codes crétins, réducteurs, mais c'est le cas. Entre drone, expérimentale, black, break, jazz, re-break, cris et psaumes, ces quatre là ne font pas dans le pop punk. La dernière fois j'avais ricané de les voir se balancer d'avant en arrière les yeux fermés, bloqués sur le même accord, cette fois j'ai fermé ma gueule, écouté et bandé. Tout ça les yeux fermés, me balançant d'avant en arrière (C'est vraiment con un jeune). Et au final je vous le dis maintenant en vous pétant le suspens, c'était bel et bien le meilleur concert de la soirée. 







CHRONIQUES OPUS 3: THE MOTOWN YEARS

Oscherus In Musica

Formé à Rouen en deux mille quatre par Samuel Antonin (batterie) et Benjamin Rouchaville (guitares, claviers), tous deux rescapés de Burn Hollywood Burn, et de Thomas Pelikan (chant, claviers), transfuge de Buckaroo Banzaï, Prön Flåvurdik ne tarda pas à se faire remarquer avec son premier disque, dénommé Teaser n°1, proposant un cocktail détonnant entre rock hérité de la fin des années soixante dix et lourdeur que n’aurait pas renié les Melvins. Le groupe se distingua deux ans plus tard par le très bon Blåck Shåbbäth où le trio se trouva rejoint par deux cuivres, prenant une démarche volontiers plus expérimentale, - ce disque fut d’ailleurs enregistré deux années avant la sortie d’un certain Monoliths & Dimensions – et surtout encore plus lourde et noire. Revenu à trois, le groupe proposa finalement en deux mille huit le présent Opus 3 : The Motown Years, qui vient tout juste d’être réédité par le label anglais Paradigm Records. Et le moins que l’on puisse dire à l’écoute de cet album, c’est que le trio est loin d’avoir pris les voies de la facilité mais a surtout accomplit un excellent travail.
 Le groupe nous propose en effet ici un seul titre de trente huit minutes. L’exercice est assez périlleux en soi, car il n’est pas rare de perdre le fil au fur et à mesure que les minutes s’égrainent. Cela n’est nullement le cas ici, tant le trio maîtrise parfaitement son sujet et sait justement captiver l’auditeur en l’entraînant dans des chemins souvent tortueux, parfois en l’apaisant pour mieux l’agresser par la suite. Si pour le simple quidam, le drone se résume le plus souvent à des bourdonnements répétés inlassablement jusqu’à plus soif avec un côté monolithique des plus rébarbatifs, il n’en est rien chez Prön Flåvurdik. Outre le talent, le groupe est surtout particulièrement inspiré, notamment cette machine à riffs qu’est Benjamin Rouchaville. En effet, dans ce genre de musique basée sur la répétition, l’on peut rapidement échouer faute de riffs géniaux : c’est loin d’être le cas ici, avec en plus la parfaite maîtrise du riff à trois notes qui vous scotche d’emblée.
Bien évidemment, l’ombre d’un Earth ou d’un SunnO))) est présente chez ce groupe, mais sa démarche est plutôt à rapprocher des travaux de John Zorn, notamment avec Naked City voire avec Painkiller, en gardant toutefois ce groove digne des Melvins. S’ajoutent à cela une très bonne utilisation des claviers, avec des sonorités analogiques ô combien appréciables, et qui sont souvent utilisés en nappe, donnant un aspect hypnotique à l’ensemble. L’on notera d’ailleurs que ce côté encore plus touffu de la musique et le parti pris pour un propos encore plus jusqu’au-boutiste caractérisent bien cet opus par rapport à ces deux prédécesseurs, même si ce n’est rien par rapport au Pron Addicted Ensemble. Autrement, l’apparition du chant, bien venu, constitue aussi l’une des grandes nouveautés de cet opus. Et il faut avouer que Thomas Pelikan est assez sidérant sur cet opus.
 C’est ainsi un voyage auditif vraiment captivant qui est proposé sur ces quelques trente huit minutes. Les rouennais savent alterner intelligemment passages brutaux et bien rentre dedans, à d’autres on ne plus plombés et lents à faire pâlir messieurs Anderson et O’Malley. S’ajoute à cela des passages bien plus groovy que l’on aurait pu voir sortir tout droit d’un Houdini ou d’un Stoner Witch. Si le côté un peu patchwork de l’ensemble peut parfois dérouter, cela reste toutefois de la haute voltige, sans sombrer dans la démonstration stérile, bien que les plans de batterie de Samuel Antonin soient tout bonnement excellents. Par contre le groupe ne fait pas du tout dans la facilité pour accueillir l’auditeur : les dix premières minutes du titre sont on ne peut plus violentes et dérangeantes, alternant passages à la limite du grindcore avec notamment des hurlements démentiels de la part de Thomas Pelikan et des patterns de batterie on ne peut plus furieux, avec d’autres assez expérimentaux.
Après cette entrée en matière, le trio nous proposera un riff, pour ne pas dire le riff, qui sera répété inlassablement pendant de longues minutes, voyant les claviers répondre à la guitare, avant que l’intensité ne monte au fur et à mesure, et ainsi de suite jusqu’à la fin du morceau. Si l’assimilation d’une telle musique et d’un tel morceau n’est pas des plus aisées, ce titre recèle tout de même de magnifiques trouvailles, toutes plus géniales les unes que les autres. En cela, la démarche du groupe se rapproche du progressif, car si le groupe s’épanche souvent à répéter les mêmes motifs inlassablement pendant de longues minutes, les structures sont quant à elles nullement récurrentes. D’autre part, le groupe touche vraiment à tout durant le développement de ce titre, ce qui fait que l’on peut avoir des passages assez noirs, voire parfois même assez malsains, et tomber sur d’autres plus lumineux et entraînant comme sur le final.
Si le groupe prend le parti pris d’une certaine redondance, il n’en installe pas moins une ambiance assez unique et maîtrise à la perfection les montées en intensité tout comme les accalmies. Loin de se contenter de répéter des schèmes repris ça et là parmi ses influences, le trio affiche avant toute chose une réelle personnalité et surtout fait preuve d’une très grande originalité. Par contre, il ne s’agit pas ici d’un exercice de style prétexte à des prétentions artistiques superflues et arrogantes auxquelles nous sommes fréquemment confrontés. De plus, le trio ne se réfugie pas non plus derrière un amalgame sonore et un son d’une rare épaisseur pour masquer des carences, notamment dans l’exécution qui est magistrale tout le long de cet opus. C’est sans doute là l’un des atouts du groupe qui force le respect, en sachant d’autant plus que ce disque été enregistré dans le local de répétition du groupe dans les conditions du live. Autant dire que nous avons ici une chaleur et une ampleur dans le son dignes des groupes des années soixante dix.
Je ne vais m’étendre plus longuement sur cet album qui est tout bonnement excellent, mais qui demandera sans doute un effort particulier pour être pleinement apprivoisé. Les fans des références suscitées devraient retrouver leur compte. Cela constitue une expérience auditive à part. Dans tous les cas cet Opus 3 est une très bonne réussite et surtout la preuve que l’originalité est encore de ce monde. Autant vous dire que cette réédition est on ne peut plus méritée car ce groupe mérite largement que l’on s’y intéresse, d’autant que le prochain opus s’annonce tout simplement dantesque. (8,5/10)
 Nota Bene : la pochette présentée ici est celle de la réédition de deux mille onze par le label Paradigms Recordings, l’édition originale comprenait une pochette différente.
Asgeirr 


Le Blog Du Picardie

La Normandie, c’est le pont de Tancarville, le port du Havre, le Calva artisanal, les pochtrons d’Elbeuf, les fûts de cidre, les filles à la vie dissolue,… Une belle région avec ses clochers et ses fromages. Dans cette tradition de l’art populaire décadent, la musique de Prön Flavürdik y fait bonne figure. Ca sonne comme un fait divers en première page du Courrier de l’Eure. Genre un truc malsain dans une prison rouenaise à base de poumons. J’aime cette région où il est possible d’y vivre et d’y boire avec un RMI, de faire un foot sur n’importe quel parking à n’importe quelle heure, de ne rien faire de ses journées jusqu’à finir trop tard sur une civière en direction des services de réanimation de l’Hôpital. Toute cette Quête, tout ce Salut, je le retrouve à chaque écoute de ce justement nommé Opus 3 : The Motown Years.






L'Oreille à l'envers

Trente huit minutes d’immersion dans une exaltation auditive où les Rouennais se plaisent à offenser, soulager, malmener et stimuler les sens et l’être de l’auditeur lambda.



"Opus 3 The Motown Years", titre unique et d’exception sans rapport aucun avec le son soul rythm’n’blues de la célèbre maison de disques américaine, plutôt une symphonie acrobatique aux repères troublants, atmosphériques et virulents, où l’on perd pied pour mieux retrouver l’équilibre. 


Big Bang en premiers pas, chaos originel où s’exhibent fièrement furibonderies hurlées et hostilités percussives. Puis la vie prend forme disciplinée, guitares qui s’éveillent, hargneuses ou grimacières sur assauts de batterie, comme la charge héroïque de vikings acharnés avant l’instant de pause, le repos du guerrier, en temps long effilé, brume drone ombrageuse aux filtres hypnotiques, irrésistible. S’en suit une échappée belle en des sphères seventies de prog rock psychédélique, un détour inquiétant en atmosphères Lynchiennes et final victorieux à l’allure militaire. 


À découvrir le ventre creux pour n'en perdre aucune miette ! Prodigieux !




Poin-Poin webzine

Sourire en coin, ils continuent de monter leur bestiole, en piquant les pièces LEGO dans les caisses de tous leurs camarades. Sûr qu'il doivent souvent se fendre la poire quand le chroniqueur tente de démontrer la puissance de son analyse critique en dressant une liste exhaustive des bouts de musique agglomérés dans le Prön Flavürdik.  D'humour, ils n'en manquent point, celà est certain: non content d'appeler leur précédent bidule BLÅCK SHÅBBÄTH, ils ont nommé celui-ci  The Motown Years (ne pas oublier les ° , c'est ce qui fait tout le charme). L'esprit fin pourrait toujours rétorquer que les Prön sont les kangourous de l'expérimental, ce qui à certains égards est fort funky. Mais restons sérieux, Prön Flavürdik , ce n'est pas vraiment  du Stevie Wonder - ou alors si justement, c'est carrément lui, c'est son side project  avec des satanistes dans une cave, mais on a pas vraiment de preuves pour affirmer celà. Et puis les cuivres, c'était sur Plays BLÅCK SHÅBBÄTH - ce qui n'est finalement pas étonnant, les Prön aimant faire les choses à l'envers. 
Bref, en 2008,  le Prön revient à sa première formule: faire le mille-pattes en trio. Et à ses activités: faire du ludique avec de l'extrême pénible (euh...je veux dire radical) , et du concentré avec du 70's long et chiant (euh...je veux dire planant). Faire de bonnes choses avec tous ces restes , ce n'est pas évident, à moins d'aimer le pudding de bruit. Sans compter qu' à mettre trop d'ingrédients, les saveurs s'annulent. Mais les Prön sont diplômés en cuisine de grosses masses et petits sons, ils savent faire ! Ca crisse, puis ça roule, ça grince et ça claque, ça gronde puis implose, on commence à le connaître le son Prön Flavürdik; preuve qu'il existe, donc  preuve d'un identité. Un déduction d'importance, au regard de la masse effrayante de groupes à la musique honnête mais interchangeable avec celle de leur collègue.
SuperDahu





A découvrir absolument (pour adulte et adolescents) webzine

L’art de la provocation est tombé en désuétude pour accommoder les restes d’une pensée morte dans un grand fatras de résidu biliaire. Quand les apologistes visqueux de la provocation en sont à se donner la main, on gerbe ou au pire on regarde la semaine complète des chiffres et des lettres pour retomber sur ses pieds, trouvant l’heure plus adéquat que le bâton dans le sol en attendant le soleil. Les Prön flavürdik sont des provocateurs, mais dans la genèse même du mot celui d’agitateur. Avec ce nouvel opus, vous chercherez en vain la moindre trace de motown dans les scories sonores qui sont parsemées sur le disque. La désorientation est ici un jeu où les règles sont assez simples, tu construis et laisse l’autre te juger, tu verras, il trouvera toujours quelque chose à dire. La justification alors de la création sera de happer les mots et les théories, les deux pieds sur la table basse du salon, se délectant par avance de ce que l’auditeur pourra trouver. Comme face à une œuvre d’art contemporain où figurerait une poêle à frire attachée à la queue d’un cheval, celui ci à l’envers, les Prön flavürdik ne cherchent pas à démonter un système, ils progressent en donnant la naissance à quelque chose qu’ils ne souhaitent pas maitriser. Prön flavürdik prônent une chose, le partage.
Gerald de oliveira




We-Fenec webzine

Guitare et batterie hurlent jusqu'à l'étouffement, bienvenue dans quasiment quarante minutes de folie ; après avoir élargi son champ d'action avec un saxophoniste et un soubassophone pour The Prön Flåvürdik big band plays Blåck Shåbbåth (2006-2007) (disque qui nous a curieusement évité...), les Rouennais repassent à trois pour Opus 3 the motown years, les fans de la Motown passeront leur chemin pour laisser la place aux adorateurs du Mike Patton des débuts de Fantomas, certes le groupe met un peu de tout (et n'importe quoi diront certains) dans ce titre unique, allant gaiement du grind au drone mais les expérimentations et l'importance de la batterie nous font irrémédiablement penser à l'association Patton/Lombardo, à ceci prés que Prön Flåvürdik reste un combo instrumental, ce sont donc les destructions et les constructions de sons, en un mot l'ambiance, qui me font penser à tout cela, et là, toi, lecteur, tu te demandes si un jour je vais terminer ma phrase et mettre un putain de point histoire de reprendre ton souffle, et non je n'en mettrais pas, histoire que tu comprennes un peu ce qui t'attend si tu te plonges dans Opus 3 the motown years et ses passages ultra lents (mais audibles, pas question ici de saturer les enceintes avec des infra basses, non, le son va plutôt chercher le larsen dans les aigüs) comme ses attaques, plus sourdes elles, qui déboulent sans crier gare, écrire et enregistrer un tel monstre (avec un micro pour la batterie et un autre pour les autres instrus !) témoigne de la qualité de musiciens des Prön Flåvürdik qui sur un canevas bien ficelé lâche leurs idées et improvisent sans difficulté, mariant en cela le jazz et le rock psychédélique des seventies (qui a dit Pink Floyd ?), si tu te sens l'âme d'un aventurier, tu sais ce qu'il te reste à faire après ce point. 

Oli 




Kaosgard webzine

Prön Flavürdik est un trio instrumental créé depuis Mai 2004 par des membres de « Burn Hollywood Burn » et « Buckaroo Banzai » et qui s’articule autour d’une basse, d’une batterie et d’une guitare, la base pour faire de la bonne musique. 


Ce combo provient de la riche scène de Rouen, un terrain propice à l’expérimentation et à la découverte de talents issus des environs qui fourmillent comme peu de régions en France. 

Depuis quelques temps, on a tendance à entendre de plus en plus parler de la Haute-Normandie, une véritable mine de groupes en tous genres, avec « Ataraxie » (Extreme Doom), « Fatumelisum » (Doom Death), « Warkult » (Purgatory Black/Death/Trash), « Yuck » (Death/Black/Grunge) ou encore « Hyadningar » (Epic Black Metal) et bien entendu du label « Postghost Records » qui essaie par tous les moyens de promouvoir cette scène dès plus intéressante. 

Revenons donc à notre trio qui nous propose, une fois n’est pas coutume, quelque chose de différent, vous me direz, comme à chacune de leur sortie. En 2005, pour une démo, en 2006 pour illustrer les courts métrages de « Pauline Bastard », en 2007, pour un album et en 2008 un live d’improvisation avec 8 musiciens. Tout un programme !!! Pour l’année 2009, un disque assez étrange avec un seul titre de 39 minutes. Un point c’est tout.

Opus 3 : The Motown Years est une fresque unique où se rencontrent, parties aériennes, parties énervées et surtout, une musique épurée qui jongle entre l’improvisation et le conventionnel. Rien de tel pour voyager dans le cosmos pendant ces moments de détentes auditives, où des samples quasi religieux vous plongent dans un coma artificiel avant que la lourdeur pachydermique de la batterie et le son gras de la guitare ne vous replonge dans la réalité bien malfaisante. 

Il serait trop simple de s’arrêter là car ce titre, étant donné sa longueur, regorge de facettes qui apparaissent au fil des écoutes. Par moment, l’utilisation des cymbales pourrait nous nous rappeler la danse du serpent à sonnette. Le son vous paralyse, vous êtes incapable de bouger, attendant la piqûre inévitable. Ce phénomène revient à plusieurs reprises comme pour vous charmer mais, à chaque fois, le morceau part dans une autre direction toujours plus inattendue avec l’apport de nappes presque New Age et donc formidablement reposantes, qui donnent de la profondeur au morceau.
Il est difficile, voir même très compliqué de qualifier la musique de « Pron Flavurdik », celle-ci s’étend sur de larges domaines aussi vastes que différents les uns des autres. En effet, on peut retrouver, du New Age, du Post Core, le Doom Funéraire, le Rock des années 70, l’Electro, le minimalisme répétitif, le Doom, le Drone, etc…enfin tout ce qui peut vous passer par la tête mais rien de conventionnel. Ne cherchez pas à imaginer ce que cela peut donner, vous seriez dans l’erreur la plus complète, écouter tout simplement ce pur moment de magie. 

Pas la peine de partir en vacances, allongez vous sur votre sofa, dans le noir, avec un casque sur les oreilles et fermez les yeux. Voyages, frissons et dépaysements garantis. Avis aux amateurs de sensations étranges et inhabituelles. 
Légion



Le Cercle Noir webzine

Dans l'absolu, accoucher d'une seule et unique piste avoisinant les quarante minutes en guise d'album n'est pas difficile. Exercice naguère réservé aux explorateurs du son, il n'est pas rare aujourd'hui de voir de modestes formations tenter l'aventure. Ce qui l'est bien davantage par contre est d'accoucher d'un seul BON titre ! Prön Flavürdik lui a réussi cette gageure.

Dans l'absolu, enfanter également un magma où baignent toutes sortes d'influences n'est pas bien difficile. Eviter le piège de l'agrégat maladroit de divers strates qui se chevauchent plus qu'elles ne s'imbriquent les unes aux autres, l'est en revanche, là aussi, bien davantage ! Et encore une fois, il convient de saluer l'insolente réussite de ce trio normands (dont l'âme de Teluhmetar) qui, avec sa première exploration parvient à tanguer sur une ligne très fine séparant le grand n'importe quoi et la Révélation.

Il y a quelque de chose de malade dans le royaume de Prön Flavürdik. Opus 3 The Motown Years. Rien que ce nom est révélateur du contenu... par son caractère décalé. Reposant sur un socle quasi instrumental, cette plage ne ressemble a rien de connu. Sans limites, le groupe déflore des terres encore marquées  par la virginité. A l'intérieur de ces plis obscures grouille un monstre à plusieurs visages : doom psyché, drone hallucinant, dérives jazzy acides...

Cela pourrait tourner à vide et se contenter de remplir quarante minutes avec divers bruitages. On en est loin car malgré l'aspect évidemment expérimental de la chose, Prön Flavürdik sait demeurer cohérent au sein de ce pandemonuim orgiaque qu'il dirige avec un sens précis de la trajectoire. Il nous emmène quelque part. Si nous ne savons pas bien où, lui le sait parfaitement.

Aux confins d'une cacophonie néanmoins contrôlée, les premières minutes semblent n'avoir aucun sens. Mais peu à peu le titre gagne en substance tandis qu'il s'enfonce dans une armure rythmique pesante, quand bien même une folie prolifétrice continue de ronger l'ensemble. Puis, guitares et son d'orgue seventies surgissent pour s'accoupler fiévreusement. Des alluvions drone commencent alors à s'empiler et une ambiance proche de la trance écarte ses cuisses libérant un flot hypnotique qui envahit l'espace de longues minutes durant. Le groupe joue sur le sustain de notes répétées à l'infini. Quelques percussions, qui d'abord murmurent, grossissent progressivement, montent en puissance.

Un nouveau pan débute, plus progressif antédiluvien avec un Hammond dégoulinant à la Jon Lord (Deep Purple) mais jouissif. On est parfois pas loin d'une sorte de space rock complétement barré qui ensuite mute en psaume liturgique que soulignent des lignes vocales robotiques passées dans un filtre. La performance meurt, balisée par une batterie militaire, sur un substrat drone, rituel cosmique d'une étrange beauté.

Opus 3 The Motown Years est une oeuvre totale exigeante qui réclame ouverture d'esprit. Peu la goûteront certainement à sa juste valeur mais une minorité devrait cueillir l'essence de son intimité. Une réussite. 
Childeric Thor




Music waves


Prön Flavürdik… Qu’espérer d’un trio français affublé d’ un tel nom, localisé d’après son myspace dans la bonne ville de Rouen, sise comme chacun le sait en République Islamique d’Iran (!), et qui pour son troisième album – « The Motown Years » – choisit de ne proposer qu’un seul et long morceau de 38 minutes ? Et lorsque, renseignements pris, ledit morceau est décrit comme « a 40 minutes long single title trip, going to Holy Grind, Improvised Music, Gregorian Chant or Dröne-mixed-Carpenter's-space music », la crainte d’avoir affaire à un grand n’importe quoi ne cesse de croître. Mais de tels a priori ne résistent pas à l’écoute de l’album en question, et c’est heureux. A vrai dire, dès les cinq premières minutes, l’amateur de John Zorn ou de Mike Patton ne peut s’empêcher de fébrilement vérifier qu’il ne s’agit pas de la dernière production, sous pseudonyme, de nos deux agités du bocal préférés. Et puis décidément, non, les références au psychédélisme planant des années 70 sont trop présentes pour qu’il en soit ainsi, et dans un soupir de contentement nous comprenons enfin que le trio rouennais est bel et bien le digne continuateur des expérimentation sonores pattono-zorniennes.



Continuer ne signifie pas plagier, mais plutôt détourner et enrichir, emprunter une voie proche, et en de nombreux points différente, de l’originale. Bien sûr, on retrouve la structure linéaire à base de disto, de larsen et de bruitages industriels, entrecoupée d’explosions chaotiques et de passerelles mélodiques, qui font la spécificité des albums métal bruitiste de John Zorn (« Astronome » et « Leng Tch’e » notamment). Naturellement, le chant, suite de hurlements, de grognements et d’onomatopées diverses, est clairement inspiré des meilleures performances de Patton ("Grand Guignol" par exemple). Et l’ombre de Fantômas (« Delirium Cordia » et « Amenaza Al Mundo - Book 1 ») survole allègrement l’ensemble du morceau. Mais passées ces influences, dont il n’est de toutes façons pas concevable de se débarrasser, l’originalité de Prön Flavürdik saute aux yeux – et nous repose les oreilles.


Car la dimension mélodique n’a pas été oubliée, loin s’en faut ! Longues plages instrumentales dominées par les claviers, sur lesquelles vient d’ailleurs se greffer en plusieurs endroits un thème aérien, court (très court même, quatre notes pour être exact) semblant tout droit sorti de l’album live « Ummagumma » des Pink Floyd, période psychédélique donc. Le jeu sur le larsen n’est pas toujours associé à la violence pure, et soutient au premier tiers du morceau une boucle hypnotique constituée de deux accords, répétée avec de subtiles variations sonores et harmoniques durant plus de huit minutes. Longs, trop longs, de tels passages ? Et bien non, l’accompagnement rythmique se montrant assez fin pour nous plonger dans cet univers d’une grande richesse, en attente d’une progression qui, si elle se laisse désirer, ne déçoit pas. Et c’est bien cette dilatation du temps et de l’espace (cette dernière étant favorisée par une production de qualité), cette exploitation jusqu’au malaise des thèmes harmoniques, qui prouve la grande maturité du groupe. Par certains côtés, la démarche n’est pas très éloignée des morceaux les plus étirés de Porcupine Tree, les soli torturés en prime.


Alors bien sûr, tout cela est très noir, complètement oppressant. Si chez certains groupes l’obscurité est parfois appelée à la rescousse pour camoufler le manque de profondeur, ce n’est pas le cas ici. Quelques regrets cependant : l’interpénétration entre les parties atmosphériques et les passages plus extrêmes n’est qu’imparfaitement réussie, comme si le groupe s’était laissé hypnotisé par la morbidité linéaire de ses propres compositions. Prön Flavürdik joue-t-il pour un public ou pour lui-même ? Malgré un final d’une belle ampleur, presque lumineux, quoiqu’il en soit plus accessible, c’est bien la question qui se pose durant les vingt dernières minutes…
Platypus